DS2: Aux frontières de la connexion

C’est sans surprise que Kojima était présent aux Game Awards 2022 pour introduire la suite à Death Stranding qu’il prépare avec ses équipes. D’ailleurs je vous en parlais déjà ici. Mais que réserve le teaser au-delà de ses qualités visuelles? De quoi DS2 peut-il parler et comment donner du sens à ce que l’on voit? Le jeu ne s’appellera évidemment pas Death Stranding 2 et cela m’évoque déjà l’orientation vers un nouveau concept pour cette suite. Partons construire une théorie aux frontières de la connexion.

Mais avant tout, un point technique. Le trailer est évidemment superbe, la couleur thématique retenue est le rouge et nous montre les capacités du Decima sur next gen. Terminé la peau aux reflets plastique. Le grain de peau atténue les reflets, les éclairages sont superbes, rien à dire… Nous sommes face à un ouvrage de très grande qualité. On s’attend effectivement à trouver dans ce jeu tous les progrès aperçus dans Horizon Forbidden West. Un trailer exceptionnel qui annonce une exclusivité PS5 et probablement temporaire pour les joueurs PC. DS2, un nom provisoire pour un jeu que l’on peut imaginer déjà bien avancé. De façon complètement optimiste, et de moins en moins réaliste, je l’espère pour fin 2023, mais la réalité laisse entrevoir une sortie courant 2024.

En faisant référence à Death Stranding pour construire cet article, il contiendra naturellement d’énormes spoilers sur celui-ci. De même que je partirai du principe que chaque lecteur a terminé le jeu pour éviter d’expliquer à nouveau certains twists du scénario.

L’article comportera certains passages en anglais. Pour les personnes ayants des difficultés, je vous invite à ouvrir DeepL et traduire ces phrases pour mieux comprendre!

Je n’irai pas dans une analyse linéaire du trailer, mais je vais plutôt le travailler de façon à comprendre ce que nous voyons. Et pour donner du sens à l’ensemble, il me semble important de comprendre la statuette à l’effigie d’Amélie. Car cette statue est construite sur les bases thématiques du premier jeu.

Très rapidement, quiconque a joué à Death Stranding reconnaîtra le personnage d’Amélie. L’entité d’extinction qui s’est prise d’affection pour Sam après l’avoir tué et en a fait l’un de ses deux champions de l’humanité. Mais une entité d’extinction, c’est quoi ?

Il s’agit d’un agent de l’univers incarnant sa volonté à continuellement ramener la vie au néant. Comme si depuis le Big Bang et l’asymétrie matière/antimatière, le cosmos cherchait à retourner à l’équilibre.

Ainsi, la vie sur Terre a régulièrement été menacée par certains événements comme des impacts de comètes gigantesques, des éruptions volcaniques, etc. Cinq d’entre eux ont ravagé la vie à différentes périodes de la planète. On les nomme le Big Five. Le Death Stranding est la sixième et Amélie la représente.

On peut donc voir sur cette statuette tout ce qui compose la nature d’Amélie:

  • La Terre et la Lune placées au centre de l’ensemble
  • Amélie qui veille sur celles-ci
  • Une explosion pour la partie basse
  • Une structure, une construction pour la partie haute

On peut ainsi interpréter cette statue comme le cycle de destruction et de reconstruction perpétuel qui façonne la vie sur Terre. Chaque fois que la vie évolue et se développe, elle est testée par un agent d’extinction. Il s’agit donc d’une simplification imagée du processus de sélection naturelle des espèces.

Cela se complexifie un peu lorsque nous intégrons le concept de grèves. Il s’agit d’un lieu liminal entre onirisme et réalité, entre la vie et la mort. On pourrait parler d’inconscient, mais aussi d’au-delà. Le tout se mêle et est représenté par les grèves, un lieu de transit pour l’âme avant la mort ultime. Chaque individu possède sa grève et la connexion des individus tend à connecter les grèves entre elles. Ce processus fait émerger une grève primordiale, la grève d’un agent d’extinction, censée détruire tout ce à quoi elle est connectée. Seulement Sam est parvenu à la déconnecter sauvant ainsi l’humanité, mais sacrifiant par la même occasion Amélie. La nature sacrificielle d’une entité d’extinction explique l’aspect Christique de la statue qui elle-même donne des pistes sur les prises de positions de ce culte.

Cela nous donne un indice également sur la nature de la structure rocheuse. Serait-ce un symbole de la reconstruction de la grève primordiale ? Un autre indice figure sur les bords de ce plan.

Les fils noirs, qui représentent la connexion entre les mondes, sont bien verticaux aux alentours de la structure. Mais il suffit de s’éloigner pour observer leurs mouvements chaotiques comme s’ils n’étaient plus connectés à rien. La structure ressemble à une arche ou plutôt un pont détruit. Le London Bridge ? Cette métaphore du réseau chiral construit pour détruire ou sauver l’humanité dans le premier épisode.

S’il figure sur la statue, c’est que le culte la juge importante et suite aux explications que j’ai avancé, je dirais qu’il s’agit probablement d’un lieu lié à la grève d’une entité d’extinction en formation. Une grève primordiale qui lentement se reconnecte aux autres.

Quelque chose s’achève, quelque chose commence

C’est sur cette référence à l’univers The Witcher que je compte ouvrir le sujet du personnage de Higgs. Si Sam est l’un des deux champions d’Amélie, Higgs est bien son alter ego. Icône du nihilisme, presque porte étendard de l’anomie et du chaos, Higgs représente l’absence de mouvement contrairement à Sam. Dans sa façon de cultiver sa douleur pour y mettre fin… pour lui, mais aussi les autres… Il ne parvient jamais vraiment à dépasser sa condition au point de devenir un outil méta du scénario. Le boss par excellence comme Bowser qui attend l’arrivée de Mario dans sa salle.

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Mais une autre façon de le voir tient dans son nom. Le boson de Higgs est en physique un composant du champ de Higgs qui donne sa masse aux autres particules. Sans le boson pas de masse, sans Higgs pas de voyage, sans le chaos pas d’ordre et sans extinction pas de sélection du vivant. Higgs incarne le côté fou de l’Homme, l’homo demens, qui peut se créer les pires afflictions sans pour autant souffrir physiquement à l’origine. Mais c’est aussi le chaos créateur et donc, dans Death Stranding, celui qui met Sam en mouvement. Higgs, la particule de Dieu… ou plutôt de sa déesse Amélie, sera trahi par celle-ci suite à la victoire de Sam.

Fragile avouera à Sam avoir laissé à Higgs deux choix : la mort ou l’exil sans fin sur une grève. Et c’est probablement la clé de compréhension de son retour et de son état. Une fois la grève primordiale isolée, Higgs se retrouve coincé seul pendant que Sam est récupéré par ses amis. Pour combien de temps ? Dans quelle situation ?

Impossible à dire, mais on peut déjà imaginer que personne ne va le chercher avant un bon moment. Et à partir de ce moment combien de temps pour le trouver ? Peut-être que la clé de son salut passe par Fragile et c’est potentiellement une des raisons pour laquelle les individus en rouge font irruption chez elle. Ou est-ce la recherche de Louise, BB-28, que Sam a libéré en enfreignant un décret présidentiel ?

Ce soldat en rouge semble ne pas apercevoir Fragile pourtant éclairée à un mètre de lui. Ces soldats auraient ils un défaut de vision ? C’est une hypothèse intéressante lorsque l’on observe qu’ils semblent avoir une tête mécanisée et à projection holographique qui réagit lorsque Higgs joue son accord. Leur aspect robotique les rapproche donc naturellement de cyborgs et de l’APAC.

Évolution sans chaines

Revenons à notre ami Higgs. Si tant est qu’il n’a pas choisi la mort, combien de temps a-t-il passé sur la grève ? Soumis à quelles difficultés ? La faim ? Les éléments ? Quels dangers inconnus l’ont menacé ? Sa grève était elle déconnectée de la grève primordiale à temps ? Il semble en tout cas être revenu sous la forme d’un cyborg. Ses organes sont remplacés par une cuve transparente qui rappelle tout autant le pod d’un BB qu’une urne funéraire égyptienne. L’Égypte antique, un thème que Higgs et Death Stranding utilisent de plusieurs façons.

On peut dès lors imaginer que c’est bien Higgs que ses partisans escortent dans un sarcophage rouge. Un sarcophage ou plutôt une chambre de stase capable de traverser la poix. Vous pouvez, en effet, trouver des résidus de poix autant sur le coffre que sur les habits de ses porteurs, ce qui laisse déjà présager d’une navigation dans l’au-delà.

Une chose curieuse et que je vous le partage pour le trait d’humour. Le rouge était dédié au personnel médical au sein de Bridges et cette couleur est désormais associée à un culte. Est-ce là la trace d’un commentaire sur la période Covid ? Le plus probable est qu’il s’agira d’un rappel à la robe rouge d’Amélie par sa filiation à l’Égypte.

Desheret
Hedjet

Le rouge est en effet la couleur du chaos et du désordre dans l’Égypte ancienne et s’oppose à la couleur blanche, que l’on retrouve dans les cheveux de Sam, symbolisant la pureté et l’omnipotence.

Desheret était la couronne rouge de la basse Égypte, le désert des « terres rouges ». Elle est associée au dieu Horus, Dieu cosmique protecteur de la monarchie dont le nom signifie « Le lointain ». Les suivants d’Horus sont des divinités de second rang qui se sont rangées sous son obédience. La couronne rouge est également connectée à Ouadjet protectrice de la basse Égypte et des accouchements dans cet espace. Un rôle qui rappelle, de loin, celui d’Amélie.

Horus et ses suivants, le Dieu et ses demis Dieux.

Hedjet était la couronne blanche de la haute Égypte. Le blanc viendrait de la fleur de lotus qui poussait dans la ville de Nekhen, une ville où le dieu Horus était adoré. La couronne est associée à Nekhbet, déesse protectrice du pharaon puis des accouchements. C’est une divinité féminine ailée, car représentée par un vautour blanc. Une fois l’Égypte unifiée, Ouadjet et Nekhbet furent nommées « les deux dames » et leurs symboles s’unirent sur la couronne du pharaon (le Cobra et le Vautour) apportant la paix sur toute l’Égypte.

Nekhbet en devenir?

Kojima semble donc bel et bien prolonger ses références visuelles et scénaristiques.

C’est armé d’une guitare, d’un masque, de cheveux à l’image d’Amélie et les yeux décorés par les ailes d’Horus que notre faux antagoniste est de retour. Un nouveau style qui m’évoque un ancrage thématique contrasté entre passé et futur. Un peu comme son créateur qui annonce faire « un jeu nostalgique mais aussi nouveau. » (Merci Keyser44Soze!)

L’image de la rockstar est résolument un écho aux années 70/80 et témoigne d’un esprit rebelle et anticonformiste, mais aussi créatif et culturel. C’est un choix très intéressant que j’ai hâte de découvrir. En revanche, son aspect cybernétique futuriste montre qu’il a finalement dépassé sa condition comme il l’espérait.

David Bowie
Buckethead
Eddie Van Halen

En devenant en partie machine, ne serait-il pas devenu un dieu ? Ne se serait-il pas extrait du cycle de vie et de mort? Son déguisement témoigne autant de son blocage sur sa déesse que du fait qu’il est en voie de devenir son égal.

Aux frontières de la connexion

Si Death Stranding expose clairement le besoin de connexion et ses bénéfices, il semble que sa suite prend le parti de remettre en question nos efforts et questionner ces limites. En contraste total, c’est dans un abri de prepper transformée en salle de jeu que l’on est heureux de retrouver Lou et Fragile.

Et pas de doutes sur Louise puisque l’on retrouve bien sa marque de naissance en forme de cœur sur son coude gauche. Elle semble avoir bien grandi et, dans une mise en abîme très succincte, joue avec nos anciens jouets. Une façon habile de nous montrer comment nos codes se transmettent très tôt par le jeu. Comment nos jeunes homo ludens absorbent l’univers que l’on a construit.

Des cubes de constructions, un crabe, un camion CICADA MC 2000… même le motif de nos étoiles durement acquises

Mais peut être aussi une façon détournée et discrète d’annoncer l’un des personnages jouables de cet opus ? Un personnage familiarisé, comme son joueur, avec les codes de Death Stranding. Un point qui va dans le sens du plan sur le bébé endormi duquel le liquide noir s’écoule par les yeux. En effet, ces plans, dans le premier, étaient des marqueurs de l’intériorité de Sam. Une intériorité qui ici est endormie, non consciente. Comme une conscience d’enfant qui n’attend que de s’éveiller avec le temps. Louise est en effet la dernière rapatriée d’Amélie.

Continuons un peu car l’émotion est là et Fragile est souriante. La peau de son corps guérie. Rien ne l’explique pour le moment, mais on peut aisément imaginer que les voyages sur la grève permettent de nouvelles techniques médicales. Les traitements de long terme pouvant potentiellement s’effectuer là-bas où le temps ne passe pas.

Mais dépassons cette énigme du « comment? »

Nos deux protagonistes ont fait peau neuve et force est de constater que les choix sont diamétralement opposés. L’une renoue avec son corps et l’autre s’en prive complètement. Une divergence fondamentale qui montre bien la direction prise par ce jeu. Bien plus intéressant encore, Kojima décide de reprendre ce corps à Fragile dans l’accident de monocycle. N’aurait-on pas ici les esquisses d’une discussion sur la faiblesse de la chair face à la machine ?

Si Higgs se trouve à la tête d’un culte voué à la sélection naturelle, ne serait-ce pas pour remettre en marche ce cycle ? Il est évident pour moi qu’un cyborg fonctionnel et autonome est plus adapté à la survie qu’un humain fait de chair et d’os. Mais dans un monde sans sélection, rien ne vient faire le tri. Le cyborg et l’humain cohabitent sous des lois sociales. Le design de ce nouveau Higgs laisse entrevoir un besoin d’élévation au rang de Dieu, de remettre en route le processus de sélection et placer Higgs en position de nouvelle espèce dominante. Une espèce fusionnant l’Homme et le robot.

No one should have to suffer such loss.

Un personnage encore inconnu de DS2

Les limites de la connexion sont finalement très humaines. De façon très évidente, perdre des proches est douloureux et le trailer suggère d’ailleurs que Sam et Fragile vont perdre Lou. Ou peut-être que Higgs va l’enlever étant donné qu’il chante le thème musical de BB ? Louise est en effet la dernière rapatriée d’Amélie et peut-être que cette filiation fait de BB-28 son héritière ? Une position qu’Higgs respecterait au point de vouloir élever l’enfant lui-même.

Il s’agira donc pour nos protagonistes de dépasser ces limites et tenir debout malgré toutes leurs peines. Une douleur qui peut laisser des traces visibles.

Canitie subite (syndrôme de Marie-Antoinette)? (Merci Thomas!)

You know, I meant it when I said I understand how you’re feeling. But if you hold on to the sadness, it will weigh you down like an anchor.

Un personnage encore inconnu de DS2

L’autre limite se révèle dans le fait que le progrès humain et technique crée constamment de nouvelles choses qu’un consensus juge bon ou mauvais. La sélection naturelle a toujours été le juge de l’innovation jusqu’au moment où l’Homme s’est détaché d’elle en refusant de se soumettre aux éléments, en dictant sa loi sur la nature et en se regroupant. Mais si cette évolution revient à l’Homme, qui décide de son sens ? Et cela nous renforce-t-il réellement face aux dangers du futur ?

Une couverture sociale

C’est dans ce contexte que DS2 semble prendre racine et qu’un logo devient très intéressant. Une boussole de marin frappée du sigle APAC et résonnant avec le logo de la Dutch East India Company qui fut, entre autres, installée sur l’île artificielle de Dejima (l’une des références au nom du moteur de jeu Decima). Une boussole qui donne le nord, permet de définir un cap et donc donne un sens à un groupe. Un groupe, une entreprise, qui vient en aide aux autres dans sa mission d’assistance publique.

Entreprise d’assistance publique automatisée

Je vous parlais ici de la possibilité de voir, dans cette suite, l’élaboration d’un univers que l’on parcourrait en sous-marin. J’ai été ravi de découvrir le DHV Magellan. Un superbe vaisseau dans la plus pure veine de Yoji Shinkawa. Un véhicule hyper sophistiqué qui semble être une évolution futuriste de certains navires actuels.

Selon moi, DHV signifie Dive and Hydrographic Vessel ou Navire de plongée et d’hydrographie. Actuellement, il s’agit de navires militaires de soutien aux missions de sauvetage en mer, d’entretiens de structures maritimes, de plongée en sous-marin, de cartographie, etc.

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l’Edda Fonn, DHV du ministère de la défense de Nouvelle Zélande

Le DHV Magellan est donc un véhicule du même type, mais qui effectue ses plongées lui-même. Et finalement quelle meilleure allégorie possible pour illustrer une couverture sociale qu’un véhicule missionné pour le sauvetage en milieu marin ? Sauver des personnes en détresses, assurer la cartographie d’un espace dangereux, maintenir des structures en bon état, acheminer des ressources, … Une magnifique image des systèmes sociaux protégeant les plus démunis face aux dangers de la vie, face à la sélection naturelle.

Une chose intéressante ici est de noter que le véhicule est marqué par les trois logos teasés par Kojima en amont du trailer :

  • L’échoué se rapporte au DHV Magellan, le nom du navire
  • Drawbridge est probablement la nouvelle entreprise de Fragile
  • APAC ressemble à une nouvelle entreprise qui gère l’assistance maritime pour les UCA

Il me parait désormais évident que le jeu va se détacher du concept de livraison vers un système d’assistance, d’exploration et d’entretiens. Car si la connexion permet le progrès technique et humain, elle supprime aussi le rôle de renforcement de l’individu par la sélection pour faire peser plutôt le renforcement du groupe par le progrès général qui en découle.

Ainsi, dans ce groupe, les individus sont dépendants des uns et des autres et forment un super organisme (thématiques d’MGSV). Mais les individus qui pourraient se retrouver en marge du groupe, en situation de détresse, ont besoin d’une assistance. Ainsi naît l’APAC.

De Magellan…

Si Kojima choisis de baptiser le vaisseau Magellan, c’est pour plusieurs raisons dont certaines que je pense entrevoir. Pour cela, il faut remonter à une seconde lecture du personnage d’Amélie, ou plutôt Samantha « America » Strand. Sous cet angle, le personnage est une représentation des États-Unis d’Amérique qui se connecte à sa fonction d’agent d’extinction. Comme elle l’annonce elle-même à Sam, elle porte un masque et donc un double visage.

D’un côté, elle est une entité qui cherche à unir le monde. De l’autre, c’est une puissance capable de ravager la planète. Une critique déjà présente, mais bien plus approfondie, dans MGSV. Son nom, Amerigo, trahi cette dualité, car il lui vient d’Amerigo Vespucci, un navigateur Florentin ayant menti et propagé la nouvelle de sa découverte de l’Amérique. En réalité, cette découverte est attribuée à Christophe Colomb.

Colomb avait lui pour mission de découvrir les Indes en naviguant par l’Ouest, l’Atlantique. Mais il s’est trompé en se heurtant au continent Américain qu’il prit pour les Indes. Plusieurs années plus tard, Magellan entreprends le même voyage en imaginant que l’Amérique, comme l’Afrique (Cap de Bonne-espérance), avait un Sud qu’il était possible de contourner pour atteindre les iles Moluques, un archipel indonésien. Sa mission est de prouver que ces îles appartiennent à l’Espagne suite au découpage du monde en deux parties (Espagne et Portugal) selon un méridien décidé par le pape Alexandre VI.

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Magellan est portugais et trahi son pays qui lui refuse toute progression de carrière. Il se réfugie en Espagne et convainc Charles Quint de financer son voyage. Un voyage qui se trouve être une suite compliquée de fuite des flottes portugaises et de mutineries de ses officiers espagnols. Il sera malgré tout le premier à trouver le passage entre l’Atlantique et le Pacifique via un détroit qui porte désormais son nom.

Il arrivera bien aux iles Moluques, mais celle-ci sera finalement située du côté portugais du méridien. Ayant échoué pour le compte de l’Espagne, ayant trahi sa patrie portugaise, il cherchera une issue désespérée et mourra dans un affrontement suicidaire sur l’île de Cebu. Seuls deux bateaux revinrent :
– La victoria, premier navire à effectuer le tour du monde.
– Le San Antonio qui trahit Magellan en faisant machine arrière dans le détroit chilien.

Je vous conseille cette série documentaire sur Arte si vous êtes intéressés. <(Merci Sullivan pour le partage !!)

…à Fragile

Il y a trois points que je retiens de tout ceci.

  • Magellan a dû travailler sous la coupe d’un autre pays créant poursuites et mutineries.
  • Son objectif, visant à déterminer à qui appartiennent les iles Moluques pour assurer l’exploitation de certaines épices.
  • L’inestimable découverte et traversée du détroit de Magellan.

La première chose qui me frappe dans le trailer de DS2 est que Fragile travaille désormais au sein de Drawbridge, le pont-levis. La subtilité du trailer demeure dans le fait que le passage avec Fragile et Lou est un flash-back comme le prouvent les transitions iconiques façon clignement d’œil. Malgré tout, Fragile est déjà membre de Drawbridge à ce moment (cf. pneu du monocycle ci-dessous) et donc nous sommes relativement loin de la fin du premier jeu.

Qu’est-il advenu de Bridges ou de Fragile Express après son entrée officielle sous contrat Bridges ? Mystère. Mais j’ai le sentiment que Drawbridge est le vestige de Bridges au sein de l’APAC. Qui elle même semble connecté aux UCA.

It wasn’t the UCA that made the final decision. It was APAC. A private corporation.

Un personnage encore inconnu de DS2

Bridges, le pont, la connexion statique et perpétuelle, à laissé sa place au pont-levis : un moyen de connexion, mais aussi de déconnexion à volonté. L’identité de Bridges a forcément évolué et ce symbole montre lui aussi des signes de questionnement sur les limites du lien. Quoiqu’il en soit, il est possible que comme Magellan, Fragile ait du changer de crèmerie pour survivre et continuer de poursuivre son rêve. Et peut-être que cela lui vaudra le même traitement par les deux camps que cela implique.

D’ailleurs, un autre point qui pose question repose dans le fait que l’APAC dispose de moyens automatisés. Au sein d’un jeu qui donne l’impression de discuter du rapport à la machine, il sera très pertinent de voir dans quelle mesure l’équipage du DHV Magellan se repose sur sa technologie. Si Higgs représente bien l’extrême fusion entre les deux, le vaisseau peut proposer une alternative très « Kojimesque » dans sa façon de créer une symbiose où la machine et l’Homme se complètent.

Bien entendu, si ces machines ne nous trahissent pas…

Enfin les autres points de comparaison résident dans l’exploration promise par ce véhicule qui fait miroiter quelque chose de comparable à la folie démesurée du voyage de Magellan. Atlantique ? Pacifique ? Il semble possible qu’en réalité, ce ne soit ni l’un, ni l’autre mais bien une exploration de l’abysse et des grèves qui sera proposé. Le vaisseau émerge en effet de la poix après avoir observé la zone avec son périscope. Quel pourrait être l’objectif d’une telle entreprise ? Tout simplement l’existence d’une Terra Incognita. Une mission visant à conduire l’humanité toujours plus loin pour cartographier et repousser les bords de sa réalité.

Mais aussi, moins naïvement, la récupération et l’attribution des éventuelles découvertes et ressources par les camps pris dans le jeu. À qui reviendra la zone de chasse aux BTs, source essentielle de chiralium ? Qui pourra exploiter les voies de navigation et autres installations ? Et plus subtilement, à travers le contrôle des grèves, à qui appartiendra l’au-delà et l’inconscient des gens? À qui reviendra le contrôle de certaines zones de l’histoire contenue dans les grèves? Tant de thématiques chères à Kojima !

Comme pour Magellan, tout repose sur le besoin de lever le brouillard de l’inconnu. Comme pour l’Amérique et Amélie, c’est un projet à deux visages.

Si j’imagine que le jeu conservera une part d’exploration, n’oublions pas que nous feront partie d’un système établi d’assistance publique. Autrement dit, les UCA ou l’APAC ont déjà commencé à explorer cet espace et des flottes de vaisseaux y naviguent. Les feux de signalisation présents sur le véhicule impliquent une communication visuelle pour organiser les itinéraires. Nous ne serons probablement pas seuls à parcourir les fonds de l’abysse.

Kojima évoquait récemment son besoin de réécrire le jeu afin d’éviter de quelconques prédictions. Je dirais que c’est par l’exploration d’un monde inconnu qu’il tentera d’achever son objectif. En sortant son récit du monde réel. Mais ironiquement, je crois que cela ne l’empêchera pas de faire ce qu’il fait depuis toujours : parler de société, de dérives, de futur et de philosophie.

Le doute éternel

DS2 s’oriente sur une discussion au sujet de la connexion, son évolution et son impact sur la société. Si le lien permet un progrès humain et technologique infini, doit-on le suivre pour autant aveuglément ? N’y a-t-il aucun risque sur ce trajet ? Comment faire le tri si ce tri nous revient ?

Both stick and rope, to protect and connect. Together, for tomorrow.

Drawbridge

La menace d’une extinction est un sujet éternel. On ne surpassera probablement jamais les forces cosmiques démesurées qui peuvent annihiler toute vie, à tout moment. Le retour d’un agent d’extinction est inéluctable. Mais vaut-il mieux renforcer l’individu en se coupant des plus faibles ? Ou protéger le groupe en renforçant le lien qui nous unit tous ?

Peut-être un peu des deux ? Mais dans quelle mesure ? Et quel rapport entretenir avec la machine qui ressemble chaque jour un peu plus à une espèce capable de nous survivre ?

Pchent, couronne d’unification des deux terres d’Égypte sous la protection de Nekhbet et Ouadjet.

C’est coincé entre anges et démons que nous ferons notre chemin pour le découvrir. Entre Sam et Higgs. Peut-être dans la peau de Louise ?

Sur une multitude de ponts brisés, comme un logo qui se constitue de fils blancs puis se brise de fils noirs, Kojima nous pose la question de savoir si tout cela vaut malgré tout le coup.

Une réponse à “DS2: Aux frontières de la connexion”

  1. […] Le tour du monde effectué par les vaisseaux de Magellan. […]

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